• Shiva

    Shiva

     


    Shiva (sanskrit शिव ः Śiva) — transcrit parfois par Siva ou Çiva, « le bon, le gentil » — est un dieu hindou, élément de la Trimûrti (trimūrti), la « trinité hindoue ».




    Fonctions


    Dans la Trimûrti, Shiva est le destructeur, alors que Brahma (Brahmā) et Vishnou (Viṣṇu) sont respectivement le créateur et le conservateur. Cependant, bien qu'il représente la destruction, il est considéré comme une force positive, puisque, après la destruction, survient la création régénératrice. Il sauve d'ailleurs le monde dans au moins deux circonstances, lorsqu'il s'interpose entre la terre et les pieds de Kâlî rendue furieuse parce qu'elle perdait contre lui à l'occasion d'un concours de Bharata Natyam et lors du barattage de la mer de lait quand il avala la coupe de poison que celle-ci engendra, poison qui lui laissa une trace bleue sur la gorge.


    Shiva et Pârvatî, British Museum



    En fait, Shiva représente moins le mal que la transcendance, le gouffre qui sépare l'humain du divin devant lequel l'homme est saisi de terreur sacrée (voir Mysterium tremendum de Rudolf Otto). Shiva est le destructeur et le créateur, mais cet antagonisme n'est qu'apparent ; ils sont en effet perçus comme réciproquement dépendants, une complémentarité paradoxale en quelque sorte. Lorsque Shiva est présenté en Nataraja, le Seigneur de la danse, il marque de son talon le rythme ternaire du tandara, symbolisant la création, la permanence et la destruction (chacune des pointes du trident).



    Il est le commencement et la fin, le yogi ascète et le luxurieux tantrique, la bonté et la fureur, l'alpha et l'oméga. Shiva n'est pas connu des Veda, il pourrait être une forme de Rudra (littéralement « le Rouge » aussi appelé « le Hurleur », un dieu terrifiant) qui évolua ultérieurement.



    Shiva est le feu intérieur (tapas) qui dévore les ascètes, le temps qui détruit et recrée le monde. Il est habituellement représenté par un phallus stylisé, appelé shiva lingam (liṅgaṃ), symbole de création parfois associé à la yoni, l'organe féminin, la matrice du monde.



    Shiva est encore paśupati. Sous cet aspect, il protège le bétail (paśu), gage de richesse, mais plus symboliquement, il protège et libère les âmes asservies dans et par le samsāra. Les textes jouent de trois mots : pati, le Seigneur ou le Maître ; paśu, le troupeau (des dévots), l'âme individuelle ; pāśa, le lien (de la transmigration).



    Sa demeure est le mont Kailash (Kailāsa) et son véhicule ─ vahana en sanskrit ─ est Nandi ou Nandin (Nandī), le bœuf, le taureau, le veau. La parèdre de Shiva, sa shakti (śakti) présente plusieurs formes, Pârvatî (Pārvatī), la fille de l'Himalaya (Himālaya), Durga (Durgā), l'inaccessible, Kâlî (Kālī), la déesse de la mort. Shiva a été également marié à Satî (Satī), la fille de Daksha (Dakṣa), qui était opposé à leur mariage.



    La ville sacrée de Shiva est Vârânasî (Bénarès).



    Ses adorateurs, les shivaïtes, le considèrent comme seul créateur. Le shivaïsme est l'une des deux branches principales de l'hindouisme aujourd'hui, l'autre étant le vaishnava.



    Shiva et Parvati sont les parents de Skanda — aussi appelé Karttikeya (Kārttikeya) ou Subrahmanya (Subrahmaṇya) — et de Ganesh (Gaṇeśa), le dieu-éléphant qui écarte les obstacles. Traditionnellement et à la différence de Vishnu, Shiva n'a pas d'avatars.



    Les Nayanars — ou Nayanmars — 63 poètes dévots de l'Inde du sud, qui vécurent entre les VIIe et Xe siècles sont à l'origine du développement du culte de Shiva.


    Représentation ou mûrti




    Le trident de Shiva



    Parmi les attributs de Shiva, on trouve :

    son chignon ─ jatâmukuta (jaṭāmukuṭa) ─ le siège de son pouvoir d'ascète,
    le croissant de lune accroché à sa chevelure,
    le troisième œil fermé car son regard détruit,
    le cobra Kundalinî (kuṇḍalinī), l'énergie sexuelle, comme collier,
    une peau de tigre symbolisant sa maîtrise de la Nature.


    Comme ascète mais aussi comme seigneur des lieux de crémation, il se couvre le corps de cendre. Shiva protège la terre de la force de Ganga, le Gange (Gaṅgā), il calme l'ardeur de ses flots en les filtrant dans ses boucles. Il porte souvent une conque dans une main et possède un trident, symbole qui concentre, pour ses adorateurs, les pouvoirs de la trimûrti, c'est-à-dire création, perpétuation et destruction.



    D'après la légende, Shiva et Vishnou se rendirent dans une forêt pour combattre 10 000 hérétiques. Furieux, ceux-ci envoyèrent pour attaquer Shiva un tigre, un serpent et un nain noir et féroce armé d'une massue. Shiva tua le tigre ─ il est traditionnellement assis sur une peau de tigre, car maître de la nature Pashupati ─ apprivoisa le serpent qu'il mit autour de son cou en guise de collier (symbole de la maîtrise des passions), posa son pied sur le nain et réalisa une danse développant une telle puissance que le nain (voir illustration) et les hérétiques reconnurent en lui leur seigneur.



    Shiva est parfois représenté mêlé avec sa shakti formant un être hermaphrodite, Ardhanari.

    Hanuman est vu comme une incarnation de Shiva.


    Le symbole du lingam

    Lingams et yonis sur les ghâts à Varanasi



    Shiva est habituellement représenté par un phallus stylisé, appelé shiva lingam (liṅgaṃ), symbole de création parfois associé à la yoni, une dalle de pierre représentant l'organe féminin, la matrice du monde. Par l'union du linga et de la yoni, l'Absolu qui se déploie dans le monde prouve qu'il surmonte l'antagonisme mâle-femelle ou spirituel-matériel. Le linga représente également le cosmos, mais aussi le pouvoir de connaître, la conscience comme axe de la réalité. Non plus orienté vers la finalité naturelle de force de vie et d'incarnation, le phallus dressé vers le ciel représente le rassemblement des énergies du yogi sur le plan sensible et leur conversion vers un niveau subtil.



    Dans le shivaïsme brahmanique, les caractères phalliques fondamentaux du linga se retrouvent toujours nettement, tant dans les légendes expliquant l'origine de ce culte que dans les qualités corporelles occasionellement attribuées au dieu. C'est ainsi que Shiva, ayant trouvé toutes les créatures créées (par Brahma?), s'irrita, arracha son organe génital et le cacha dans la terre pour se vouer à une vie ascétique.

    A l'origine, raconte pour sa part le Linga Purana, lorsque l'univers était envahi par les eaux, Vishnou et Brahmâ se disputaient, affirmant chacun qu'il était le plus grand des dieux. Mais tout à coup, surgit une immense colonne de feu entre les eaux. Elle était si haute qu'elle semblait sans fin. Les deux dieux décidèrent de s'affronter en mesurant la hauteur de la colonne : Vishnou se transforma en sanglier et plongea au fond des eaux tandis que Brahmâ prit la forme d'une oie pour voler aussi haut que possible. Mais ni l'un, ni l'autre ne purent atteindre l'extrémité de la colonne incandescente. Shiva, apparaissant alors, expliqua qu'il s'agissait du lingam, symbole de son pouvoir mais aussi Shiva lui-même. Les dieux reconnurent alors la suprématie de Shiva, qui leur adressa un discours censé instituer les principales règles de son culte (Nuit Sainte de Shiva, processions, instaurations de statures, etc.)



    Une autre légende raconte que Shiva apparut nu devant un groupe d'ascètes qui méditaient dans la forêt sans comprendre sa vraie grandeur. Pour les punir, Shiva décida de séduire leurs femmes. Pour se venger, les ascètes émasculèrent Shiva en invoquant un tigre, mais à l'instant où son lingam tombe à terre, l'univers fut plongé dans les ténèbres. Les yogi, enfin conscients de leur erreur, prièrent Shiva de restaurer la lumière dans le monde. Celui-ci accepta, à condition que les ascètes l'adorent sous la forme du lingam.

    Le lingam est une représentation religieuse tout à fait commune en Inde, sans que le caractère sexuel soit minimisé ou occulté. Pierres, galets ou fourmilières constituent les lieux d'érection de lingams « spontanés ». Les lingams svayambhû (« automanifestés ») sont les plus sacrés, à l'image de celui d'Amarnath, une formation de glace naturelle.



    Le lingam est souvent oint de lait et de ghî (beurre fondu) ou entouré de fruits, de sucreries, de feuilles et de fleurs.


    Shiva Nataraja

    Shiva Nataraja (Naṭarāja), musée de Chennai



    Une forme particulière de représentation de Shiva est Naṭarāja (le danseur cosmique, seigneur de la danse, de naṭa, danse et rāja, roi). Il est le plus souvent inscrit dans un cercle de flammes (prabhāmaṇḍala) signifiant qu'il consume les désirs dans le feu. Dans cette forme, il possède quatre bras tels que la main supérieure droite porte un tambour (ḍamaru) symbolisant la pulsion rythmique de l'univers, la main inférieure droite fait le geste de protection (abhayamudrā), la main supérieure gauche tient la flamme de la connaissance, l'inférieure gauche montre le sol.



    Le pied droit prend un appui fort en écrasant le démon de l'ignorance ou des passions, le pied gauche est levé en une posture de danse. Sa tête est encadrée par les flots du Gange dont son chignon a calmé l'impétuosité et qui coule maintenant sans danger dans le monde.



    Shiva dansant représente l'énergie universelle et éternelle. Cette danse continue engendre la succession des jours et des nuits, le cycle des saisons et celui de la vie et de la mort. À terme, son énergie provoquera la destruction de l'univers, puis le fera renaître. Cette danse de création du monde symbolise le processus éternel de conservation et de destruction.



    Shiva Nataraja est une forme typique du sud de l'Inde, c'est la divinité tutélaire du temple de Chidambaram où sont sculptées dans la pierre les postures du Bharata Natyam, la danse classique sacrée de l'Inde méridionale. Il est, sous cette forme, vénéré par les artistes scéniques (musiciens, danseurs, comédiens) indiens.


    Les épithètes de Shiva


    Shiva porte de nombreux épithètes comme :



    Bhagavata: le divin
    Bhairava: le terrible
    Chandrashekhara: la lune dans les cheveux
    Gangâdhara: porteur du Gange
    Girîsha: le seigneur de la montagne
    Îshâna: Seigneur
    Kâla: le Temps
    Kapâlamalin: porteur de crânes
    Mahâyogi: grand yogi
    Mahesha: grand seigneur
    Maheshvara: le favorable
    Nâtarâja: roi de la danse
    Nîlakantha: au cou bleu
    Pashupati: maître des troupeaux
    Rudra: maître des larmes
    Triambaka: aux trois yeux
    Śambhu: demeure de joie
    Shankara: l'auspicieux
    Vishvanâtha: le seigneur de Tout
    Yogarâja: roi du yoga
    etc.



    Rapports entre Vishnou et Shiva


    Depuis le début de l'ère chrétienne au moins, sinon plus tôt, la plupart des hindous lettrés sont des adorateurs, soit de Vishnou, soit de Shiva — c'est-à-dire qu'ils considèrent soit Vishnou, soit Shiva, comme le premier des dieux, voire comme dieu unique identifié au brahman indiférencié, tous les autres ne représentant à leurs yeux qu'une expression secondaire de la divinité. Ainsi, les fidèles de Vishnou ne nient pas l'existence de Shiva, mais la placent sur un plan annexe, le considérant comme une création ou une émanation de Vishnou ou de son démiurge Brahmâ. D'une façon similaire, les shivaïtes voient en Vishnou une émanation du grand dieu Shiva.



    De nombreux mythes, dans les purāṇa śivaites ou viṣsṇuites, illustrent la suprématie d'un dieu sur l'autre. Ainsi la lingodbhavamūrti , illustré abondamment sur les temples, surtout en Inde du Sud, raconte comment, alors que Vishnou et Brahmâ se disputaient la suprématie divine, Shiva apparut sous la forme d'un lingam de feu infini(un ovni??).



    Pour se mettre au défi, Brahmā décida d'en trouver le sommet sous la forme d'un hamsa (oie sauvage, véhicule de ce dieu) et Vishnou décida d'en trouver la base en prenant la forme d'un sanglier fouisseur. Tous deux échouèrent dans cette tâche et se prosternèrent devant le lingam de feu, reconnaissant sa suprématie. Shiva se révéla alors en sortant du lingam et leur expliqua que tous deux étaient nés de lui-même.



    Si ces différences de point de vue ont à l'occasion été la cause d'affrontement, dans l'ensemble, ces deux branches de l'hindouisme sont parvenues à préserver entre elles une heureuse harmonie.

    D'ailleurs, les textes contribuent à l'inclusion réciproque des deux dieux l'un par rapport à l'autre et soulignent leur solidarité étroite:



    "Le cœur de Vishnou est Shiva ; le cœur de Shiva est Vishnou" (Skanda Upanishad)
    "Vishnou est la flèche de Shiva ; Shiva est la flûte de Vishnou" (Krishna Upanishad)
    Dans l'iconographie, ce syncrétisme est illustré par la forme de Hari-Hara, mi-Vishnou mi-Shiva.


    Anecdote
    Lorsqu'il vit l'explosion de la première bombe atomique dont il avait rendu la fabrication possible en dirigeant le projet Manhattan, Robert Oppenheimer s'exclama : « Maintenant je suis Shiva, le destructeur de mondes... ».











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