• Les soucoupes volantes de Leik Myrabo

     

    Le véhicule préféré d'E.T. serait doté de la forme la plus rationnelle pour les voyages interplanétaires.
    Telle est la surprenante déduction des travaux de Leik Myrabo.


    Le 24 juin 1947, l'industriel américain Kenneth Arnold affirme avoir observé, en survolant les Montagnes Rocheuses, neuf objets de forme analogue à des presse-citrons lumineux. Le grand mythe des soucoupes volantes prenait officiellement naissance, pour le plus grand bonheur de Jimmy Guieu et des aficionados du forum alt.aliens.visitors.
    Mais tandis que les témoignages se multipliaient,une question a rapidement traversé l'esprit des petits gars de la NASA: pourquoi nos cousins verts auraient-ils cherché dans cet ustensile culinaire (plutôt que dans le terrestre suppositoire) la géométrie de leur véhicule galactique ? Mystères et glissements temporels.

    Or, voici que Leik Myrabo, ingénieur aérospatial au Rensselaer Institute, est en train de démontrer que la soucoupe volante serait la forme la plus techniquement adaptée aux engins spatiaux du 21ème siècle. De là à en déduire que les OVNIS auraient un bon siècle d'avance technologique sur l'espèce qui a engendré Sharon Stone et Nagui, il n'y a qu'un pas.

    Un peu de théorie. Actuellement, toutes les "machines volantes" (hélicoptère, avion, fusée...) sont particulièrement soumises au phénomène de la friction. Plus un véhicule s'enfonce dans l'atmosphère et plus il rencontre une forte résistance. La forme arrondie de l'extrémité des vaisseaux permet d'amoindrir ce phénomène en créant une "onde de choc" (perturbation de l'atmosphère) conique, dans laquelle le vaisseau peut s'engouffrer. Telle est la raison d'être du nez cyrano-esque du Concorde, tellement long qu'il est nécessaire de l'abaisser pour que le pilote puisse percevoir la piste d'aterrissage (l'histoire ne dit pas si les oreilles de Spock répondent à une même logique).
    Toujours est-il que plus la vitesse augmente et plus ce cône rétrécit, rendant de plus en plus difficile la progression de la fusée, d'autant qu'au passage se développe une élévation titanesque de la température de l'air compressé. A Mach 25 (25 fois la vitesse du son), le thermomètre monte à 8.000 degrés! Les ingénieurs en aéronautique ont toujours du prendre en compte cette chaleur extrême pour construire les fuselages. Et jusqu'à présent, la réduction de la friction au niveau du millième était considérée comme une percée majeure.

    Mais l'industrie aérospatiale devrait être bousculée par l'idée de génie de Leik Myrabo, intitulée le "pic aérien". L'ingénieur de Rensselaer, assisté d'un physicien russe Yuri Raizer, a eu l'intuiton d'une nouvelle forme d'énergie, consistant à controler le flux d'air entourant un vaisseau spatial. Le "pic aérien" est engendré par des micro-ondes, ou par un rayon laser dont le flux crée une réaction en chaîne dans un point de l'air.
    Cette ionisation intense des électrons libère une force explosive gigantesque -tellement énorme qu'elle pourrait aisément détruire l'émetteur. L'astuce consiste à réguler cette énergie en envoyant des séries d'ondes déflagrantes. Ces pulsations répétées génèrent une onde de choc parabolique qui peut envelopper le vaisseau sans jamais le toucher, produisant ainsi une friction minimale, et donc une élévation de chaleur modérée.

    Le premier test à été effectué en 1993 à la vitesse de Mach 10, afin de démontrer la réalité du "pic aérien". Mais les expériences les plus cruciales vont avoir lieu ce printemps 96 à Mach 25, seuil mythique car il correspond à la vitesse nécessaire pour qu'un vaisseau puisse s'échapper de l'écorce terrestre.

    Où se déroule le test fatidique ? Dans l'état de New-York, non loin des patins à roulette de Central Park, du Village qui a vu éclore Miles Davis et les Sex Pistols, et du babylonien Metropolitan Museum. Mais dans la petite ville Troy, qui abrite les essais de Myrabo, l'ambiance évoque un sauna norvégien: calme et sérenité... Qui croirait que sur cette verte colline sont téstés des effets propres à faire pâlir Cameron et Lucas ?

    C'est en 1950 que la General Electric a fait construire un extraordinaire dispositif afin de favoriser les experiences au-dessus de Mach 1. Baptisé le "wind tunnel", ce tuyau de 16 mètres de long et de 10 centimètres de large permet de simuler des ondes de choc. Installé dans le sous-sol de l'Institut Polytechnique Rensselaer de la ville de Troy, c'est dans ce lieu ténébreux que Myrabo a pu prouver l'existence du "pic aérien" en 1993 en utilisant un rayon a base de micro-ondes.
    A Mach 10, l'onde de choc parabolique générée permettait de faire dévier l'air autour d'un disque de test sans toucher celui-ci. Au même moment, en sibérie, un ingénieur russe, Pavel Tretjakov, réalisait une expérience similaire en créant un "pic aérien" à base de rayons laser. A la vitesse de Mach 2, la friction exercée sur le cône de test était réduite de moitié !

    Si le "pic aérien" fonctionne comme prévu à Mach 25, toute une nouvelle génération de véhicules spatiaux deraient voir le jour. Leik Myrabo estime que, dans un premier temps, ce système pourrait permettre à un véhicule de n'importe quelle forme d'atteindre Mach 5. Mais surtout, il serait possible d'aller beaucoup plus loin en détournant une partie de l'énergie issue du "pic aérien" pour propulser l'engin spatial. Il suffit de faire en sorte que les ondes de choc renvoyées vers le vaisseau heurtent les bords de celui-ci. Des électrodes actives et des aimants superconducteurs convertiraient alors cette énergie en électricité afin d'accélérer la pression de l'air à l'arrière du véhicule. "De cette manière, l'ensemble du véhicule devient son moteur", explique Myrabo.
    Ce type de propulsion est appellée l'accélération MagnétoHydroDynamique (MHD) et a pour avantage d'ouvrir la voie à des véhicules beaucoups moins lourds, puisqu'il ne sera plus nécessaire d'emporter d'immenses cargaisons de combustibles chimiques.

    Afin de mettre en pratique la combinaison "pic aérien" et MHD, notre homme à cru bon de concevoir un nouveau type de véhicule. C'est alors qu'il a découvert que la forme idéale était celle... d'une soucoupe volante. En effet, si l'on veut que le vaisseau puisse recueillir une puissance maximale en retour, la forme ovoïde et allongée s'impose d'elle-même.
    L'engin imaginé par Myrabo aurait un largeur d'environ 10 mètres, construit à partir de films composés de carbone et de silicone (pouvant supporter une température de 2000 degrés), il serait gonflé avec de l'hélium, ce gaz favorisant la "flottabilité" en basse altitude et servant de refroidissant.
    Cette machine ultra-légère ne pèserait que 630 kilogrammes! "Nous sommes en train de franchir une étape importante dans la réalisation de véhicules spatiaux accessibles à tous, y compris par les individus attirés par le tourisme galactique", commente Myrabo. Et d'envisager le plus serieusement du monde la possibilité de voyages familiaux sur la Lune en cinq heures et demi.

    En attendant l'avènement des soucoupes, l'ingénieur de Renssalear estime que la plupart des appareils actuels pourraient déjà être équipés de "pics aériens" afin d'optimiser leur flux d'air en amont, et par conséquence leur vitesse. Ainsi, un vol Paris/New-York s'effectuerait en moins de vingt minutes.
    Par ailleurs, la technologie MHD fait l'objet d'études dans des laboratoires américains, russes et britanniques. S'il est impossible de connaître le détail de ces recherches, du fait des implication militaires, le magazine New-Scientist de février a parlé d'un avion spatial réutilisable, nommé Ajax, comportant une alimentation par accélérateur MHD, qui serait développé actuellement à Saint-Petersbourg par un ingénieur : Vladimir Fraidstat.

    Les économies budgétaires sont au premier rang des préoccupations de la NASA, il est donc tout a fait normal que l'agence porte le plus grand intérêt aux expériences de Leik Myrabo. John Mankins, qui dirige le programme Highly Reusable Space Transportation (Transport Spatial Hautement Réutilisable), estime que ce modèle de soucoupe volante devrait permettre de réduire les frais de lancement à cent dollars par kilo, au lieu de six milles aujourd'hui. Toutefois, Mankins n'envisage pas que la vision de Myrabo puisse se concrétiser avant plusieurs décennies.

    En 2050, un enfant martien fugeur se baladera dans la campagne par une nuit de demi-lune et verra apparaître un véhicule terrestre au ras des nuages. Mais il n'accordera aucune attention à ce vaisseau d'une redoutable banalité. Peut-être s'étonnera-t-il simplement de voir que l'on utilise encore un modèle aussi archaïque.



    Daniel Ichbiah

    Article paru dans Univers Interactif no 9, de mai 1996.


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