• Un phénomène de hantise en Normandie en 1875

    M. de X, sa femme, leur fils Maurice, un abbé précepteur, Emile le cocher, Auguste le jardinier, Amélina la femme de chambre et Célina la cuisinière ont vécu dans un château hanté et ont raconté l'enfer qu'ils vivaient dans une sorte de journal. Voici un extrait que j'ai trouvé dans un livre :

    << Mercredi 13 octobre 1875 - M.l'abbé nous ayant affirmé que son fauteuil change de place, nous l'accompagnons, ma femme et moi, dans sa chambre, nous constatons minutieusement la place occupée par chaque objet. Nous attachons du papier gommé, qui fixe au parquet le pied du fauteuil. Nous quittons M. l'abbé ; je lui recommande de m' appeler s'il arrive quelque chose d'extraordinaire. A dix heures moins un quart, M. l'abbé entend sur le mur de sa chambre une série de petits coups, assez forts cependant pour qu'ils soit égalent entendus par Amélina, qui couche dans la chambre en face. Il entend ensuite, dans un angle de sa chambre, le bruit de l'encliquetage de la roue d' une grosse horloge qu' on remonte, puis un flambeau de métal qui change de place sur sa cheminée, en grinçant, enfin il entend et il croit voir son fauteuil se promener : il n'ose se lever et sonne ; j'y vais. Dès en entrant, je constate que le fauteuil a changé de place d'au moins un mètre : il est tourné devant la cheminée ; une bobèche placée au pied du flambeau s'est replacée sur le flambeau ; l'autre flambeau a été déplacé et posé de manière à ce qu'il dépasse de plusieurs centimètres le bord de la cheminée. Une petite statue placée contre la glace a été avancée de vingt centimètres. Je me retire au bout de vingt minutes. Nous entendons deux violents coups chez M. l'abbé, qui sonne et qui m'assure que ces coups ont été frappés sur la porte de son cabinet, au pied de son lit.
    [...]
    << Vendredi 12 novembre - Plusieurs coups se font entendre, puis des cris aigus et forts, comme s'il y en avait plusieurs. Autres cris plus plaintifs dans le vestibule. Onze heures quarante-cinq, trois cris étouffés semblant venir de la cave, puis d'autres, plus forts, dans l'escalier. A minuit, tout le monde se lève : on entend des cris dans la cave, puis dans l'intérieur de la chambre verte, enfin les sanglots et les cris d'une femme qui souffre horriblement.
    [...]
    << Samedi 13 novembre (la nuit) - Galopades comme les précédentes. Treize coups sur le palier, huit violents sur la porte de la chambre verte ; on clanche la porte et on la referme rudement. Minuit quinze minutes, deux cris très forts au palier ; ce n'est lus le cri d'une femme qui pleure, mais des cris aigus, furieux, maudits, désespérés, des cris de << damnés ou de démons >>. Pendant plus d'une heure encore, des coups violents se font entendre.
    [...]
    << Vendredi 24 décembre - A midi, tous les domestiques étant à table, nous trouvons, dans la chambre de M. l'abbé , le lit renversé sur le côté et la table poussée dessous. Le soir, à six heures, nous rouvrons la porte de cette même chambre, qui était fermée à clé, et nous voyons la table posée sur le milieu du lit.
    << Samedi 25 décembre - A midi, pendant que tous les domestiques sont à table, on entend des coups dans la chambre de M. l'abbé. Sa porte est fermée à clé. Nous y faisons une perquisition et nous trouvons un fauteuil monté sur le pupitre de Maurice. Au retour des vêpres, nous trouvons chez M. l'abbé le canapé renversé, le réveille-matin sur le globe de la pendule et une chaise sur la table. Le soir, à neuf heures, on entend le balai se promener dans le corridor du second ; nous y allons : il avait changé de place >>
    Les phénomènes prirent une telle ampleur que les occupants du château se décidèrent à faire appel à un prêtre exorciste, d'autant plus que les manifestations les plus spectaculaires avaient lieu dans la chambre de l'abbé. On pouvait en induire que les fantômes ou démons à l'œuvre en ce château visaient, à travers la personne de l'abbé, les symboles de la religion. Le prêtre exorciste arriva sur place au début du mois de janvier 1876.
    << Mercredi 5 janvier - Le révérend père H. L., religieux prémontré, est envoyé ici par Monseigneur pour juger les faits et nous venir en aide. Le soir, vers cinq heures, c'est-à-dire peut de temps avant son arrivée, Mme de X. étant dans le salon, avec son fils, entend le bruit de la porte que l'on secoue avec violence, et voit le bouton de la porte tourner avec rapidité. Maurice était effrayé, Mme de X. se mit à chanter très fort pour l'empêcher d'entendre.
    << Séjour du révérend père H. L. - A partir du moment où le révérend père est ici, le calme se fait subitement et d'une manière absolue. Rien, ni le jour ni la nuit. Le 15 janvier, il fait une cérémonie religieuse dans la maison. A partir de ce jour, nous entendons quelques bruits isolés et extraordinaires, la nuit, et toujours dans des endroits trop éloignés du père H. pour qu'il puisse les entendre. Le révérend père nous quitte le lundi 17, et son départ est suivi aussitôt d'une nouvelle série de phénomènes aussi intense et aussi grave que ceux qui ont précédé son arrivée.>>
    [...]
    << 29 janvier - Nous avons fait dire une neuvaine de messes à Lourdes ; le révérend père a fait les exorcismes et tout a cessé. >>
    Les exorcismes de Lourdes apportèrent au lieu une nouvelle accalmie. Néanmoins, quelques jours plus tard, un fait étrange survint, narré ici par l'abbé, dans une lettre du 20 janvier 1893 :
    << Des médailles de saint Benoît, des croix indulgenciées, des médailles de Lourdes avaient été placées à toutes les portes. Toutes ces médailles et croix formaient un paquet assez volumineux. [...] Dans la nuit qui suivit, un vacarme effrayant s'était produit, et [...] le lendemain, médailles et croix avaient disparus sans qu'il ait été possible de rien retrouver, et cependant elles étaient nombreuses, et les portes étaient nombreuses aussi. Or les exorcismes étaient terminés et furent suivis de quelques jours de calme. [...] Mais voilà que deux ou trois jours après, Madame écrivais quelques lignes, à genoux auprès d'un petit bureau, lorsque, tout à coup, un immense paquet de médailles et de croix tomba devant elle, sur le petit bureau. Il pouvait bien être dix heures trente du matin. D'où tombaient ces médailles ? C'était bien toutes les médailles placées aux portes, à l'exception des médailles de Lourdes. >>
    Peu après, les phénomènes inexplicables reprennent de plus belle. M. de X. est à l'harmonium mais, dès qu'il cesse, l'écho des morceaux qu'il vient d'interpréter résonne dans le coin opposé du salon. En l'absence de M. de X., l'orgue se met à jouer tout seul, bien qu'il soit fermé à clé. Une commode lourdement chargée de livres et de linge se soulève toute seule à cinquante centimètre du sol et y demeure un long moment avant de redescendre doucement à terre. Le verrou du cabinet de toilette de la chambre de Mme de X. s'ouvre tout seul. Canapés et fauteuils se déplacent sans intervention humaine. Portes et fenêtres s'ouvrent ou claquent en l'absence de vent, etc.
    Enfin, un officier, cousin de la famille, demanda à coucher dans l'une des chambres hantées du château. Il avait pris soin de garder son revolver à portée de main. Au milieu de la nuit, il fut éveillé par le froufrou d'une robe de soie, tandis qu'une main tirait son couvre-pied. Par trois fois, il essaya d'allumer sa bougie, mais à chaque elle s'éteignit comme si l'on soufflait dessus. Alors, il attrapa son arme et tira au jugé, mais en vain. Le lendemain, on retrouva les balles logées dans le mur d'en face.
    Finalement, les occupants durent déclarer forfait. Le propriétaire, à bout de nerfs, vendit le château et s'installa ailleurs.


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