L'esprit des moines de Glastonbury
Depuis des millénaires, les Européens
s'imprègnent de sacré sur le site de Glastonbury. Pendant des siècles,
au Moyen-Age, Glastonbury a été une des plus riches et une des plus
puissante abbayes d'Angleterre.
La redécouverte de ses ruines, au début du XXe siècle, offre un
curieux exemple d'archéologie "psychique". Une étrange aventure, au
carrefour de la science et de l'inexpliqué.
Glastonbury est sans nul doute l'un des plus anciens sites sacrés
d'Europe. Situé en Grande-Bretagne, il surplombe les alentours et ne
peut échapper au regards. Il était connu des Celtes, mais d'autres
indices tendent à prouver que ce Tor - pic - était déjà sacré avant que
les Celtes n'arrivent en Grande-Bretagne, aux VIe et VIIe siècles avant
J.-C. : Stephens Jenkins, qui a étudié le bouddhisme au Tibet, demanda
un jour à son gourou où se trouvait Shambala, le lieu sacré légendaire
des anciens hindous. A son grand étonnement, le gourou lui répondit que
Shambala était situé en Grande-Bretagne, dans une endroit qui
s'appelait maintenant Glastonbury...
L'abbaye de Glastonbury se niche dans la vallée, protégée par le
pic. Elle fut fondée au Ve siècle par Patrick, avant qu'il ne parte
évangéliser l'Irlande. D'après Giraldus Campbrésis, c'est là que repose
le roi Arthur. Ce qui semble confirmé par la découverte en 1911, d'un
cercueil contenant les squelettes d'un homme et d'une femme.
On déchiffra l'inscription suivante : "Ici gît le roi Arthur, celui qui fut et qui sera."
A cause de son lien avec la légende arthurienne, l'abbaye devint
une des plus riches et des plus puissantes d'Angleterre. En 1539, les
envoyés du roi Henry VIII exécutèrent son dernier abbé, Richard
Whyting, au sommet du pic. L'abbaye fut ensuite détruite et livrée à
l'abandon.
En 1907, l'Église d'Angleterre racheta les ruines pour le prix de
36 000 livres sterling. Après des siècles d'oubli et de vandalisme, il
était nécessaire de faire des fouilles approfondies : tout avait
disparu, même l'endroit où avaient habité les moines. On choisit un
architecte de quarante-trois ans, du nom de Frederick Bligh Bond, pour
mener à bien ces recherches.
Considéré comme un des meilleurs spécialistes de l'architecture
gothique en Angleterre, restaurateur d'anciennes églises, Bond semblait
qualifié pour cette tâche. L'Eglise anglicane ne l'aurait cependant pas
choisi avec autant d'enthousiasme si elle avait su que Bond
s'intéressait de très près à l'occultisme !
Il avait été un enfant rêveur, toujours plongé dans les livres. Ses
débuts dans la vie active ne lui avaient apporté que désillusions.
Jusqu'au jour où il avait lu un livre intitulé The night side of nature
- "La Face cachée de la nature" - de Katherine Crowe. Best-seller de
l'époque victorienne, ce livre traitait en détail des pouvoirs
psychiques et des mystères occultes. Profondément marqué par cet
ouvrage. Bond devint un adepte des sciences occultes et s'y intéressa
jusqu'à la fin de sa vie.
En devenant l'élève de l'architecte Charles Hansen, spécialiste de
l'architecture gothique, Bond saisit la chance que lui offrait le
destin de développer concrètement l'amour romantique qu'il portait à
l'époque médiévale. En 1907, il était un des architectes anglais les
plus connus et les plus respectés. Mais l'uvre qu'il accomplit à
Glastonbury allait mettre un terme à cette renommée.
A la fin du XVe siècle, à l'instigation de Richard Bere, dernier
abbé de Glastonbury, l'abbaye avait vu naître le culte de Joseph
d'Arimathie - l'oncle du Christ -, qui, selon la légende, serait venu à
Glastonbury avec l'enfant Jésus et qui y aurait, plus tard, amené le
calice de la Cène, le Saint-Graal. Pour célébrer ce culte, l'abbé Bere
avait fait construire deux chapelle Edgar. Bond avait pour mission de
retrouver ces deux chapelles, totalement détruites par les émissaires
d'Henry VIII. Personne n'avait plus la moindre idée de leur
emplacement.
Problème mineur : l'argent manquait pour entreprendre des fouilles
systématiques. Bond devait donc compter sur sa chance. Il avait aussi à
faire face à la rivalité d'un autre architecte, Caroe, qui avait pour
ambition de "préserver les ruines". Il espérait bien devancer Bond et
s'attribuer le mérite d'éventuelles découvertes intéressantes. Il
fallait donc réussir, et vite.
Bond n'hésita pas : il résolut d'entrer en communication avec l'au-delà...
Ce que, bien sûr, il n'admit pas. Du moins pas en ces termes.
D'après lui, il se livra à une "expérience psychologique". A l'époque,
on parlait beaucoup, dans les cercles occultes, des correspondances
croisées : à différents moments, des médiums reçoivent des messages en
écriture automatique ; quand on les confronte, ils forment un tout
complexe.
Bond décida d'utiliser cette méthode pour l'aider à mener à bien
les fouilles de Glastonbury. Il avait un ami médium du nom de Alleyne
Bertlett, qui avait reçu des messages en écriture automatique.
L'après-midi du 7 novembre 1907, Bartlett et Bond s'installèrent dans
le bureau de Bond à Bristol et se mirent à interroger les esprits.
Leur méthode était simple, Bond prit place à une table de bois,
face à Bartlett, qui tenait un crayon à la main, avec une feuille de
papier vierge devant lui. Bond posa la main sur celle de son ami et
commença à poser des questions : " Pouvez-vous nous donner des
renseignements sur Glastonbury ? "
La main de Bartlett se mit à remuer. Plus tard, les deux hommes
déchiffrèrent le message écrit d'une petite écriture irrégulière :
"Toute connaissance est éternelle et peut s'acquérir par sympathie
mentale. Je n'étais pas en sympathie avec les moines. Je n'ai pas
encore trouvé de moines."
A première vue, cela semblait prometteur. Bond précisa qu'il
pouvait faire venir des moines de sa connaissance. Peut-être cela aiderait-il à établir la liaison.
Le crayon se remit à bouger. Sur le papier apparut un dessin : le
plan de l'abbaye, auquel s'ajoutait un long rectangle à l'extrémité
est. Ce plan était signé Gulielmus Monachus (Guillaume le Moine). Comme
le rectangle semblait trop grand pour être une chapelle, Bond demanda
un croquis plus précis. Le crayon traça alors le plan détaillé d'une
chapelle, puis de deux autres chapelles, plus petites, au nord.
Bond demanda qui les avait construites. Réponse : l'abbé Bere.
L'esprit précisa que c'était la chapelle Adgar et qu'elle avait été
détruite sous le "règle" de l'abbé Whyting. Quand on lui demanda son
identité, l'esprit écrivit : Ego Johannes Bryant, moine et maçon.
A la fin de l'expérience, les deux hommes étaient partagés. Celui
qui leur répondait semblait savoir de quoi il parlait, mais les
réponses paraissaient presque trop parfaites pour être vraies... Tous
ces renseignements sur la chapelle Edgar ne venaient-ils pas de leur
inconscient ?
Quatre jours plus tard, ils renouvelèrent l'expérience. Leur
interlocuteur précisa d'abord qu'il commençait à se fatiguer, mais que
les moines étaient désormais impatients de parler : "Ils disent que les
temps sont venus et que la malédiction touche à sa fin." Puis une autre
main écrivit : "Bénédicité. Allez vite à Glastonbury."
Et plus tard, la main ajouta : "Tout ceci est dur à exprimer en
latin... Mon fils, tu ne pourrais pas comprendre. Nous parlerons en
langue anglaise..." A la question : "Dites-nous qui vous êtes", il
répondit : "Je suis décédé en 1533. J'ai vécu sous le règne d'Henry
VIII."
Après cette séance, Bond et Bartlett se réunirent régulièrement.
Ils obtinrent une grande quantité de renseignements. Il y avait
plusieurs mois et plusieurs sortes d'écritures...
Finalement, en 1908, les fonds nécessaires pour la conduite des
travaux furent réunis. Les fouilles commencèrent en 1909. Et Bond
enchanté mais vaguement inquiet, s'aperçut tout de suite que les moines
avaient dit la vérité. Il voulut d'abord vérifier s'il y avait bien une
grande chapelle à l'extrémité est de l'église, ainsi que les restes de
deux tours à l'extrémité ouest, comme Johannes Bryant l'avait affirmé.
En mai 1909, les ouvriers commencèrent à creuser des tranchées à
l'extrémité est de l'église en ruine. Lorsque Caroe, le rival de Bond,
survint et contempla le travail, il s'étonna du manque de logique qui,
apparemment, présidait à l'aménagement des tranchées. Aussi fut-il des
plus stupéfaits lorsque les ouvriers mirent au jour un mur d'enceinte,
long de 10 m, de direction nord-sud. De plus, les fouilles entreprises
de l'autre côté de l'église en ruine révélèrent la présence de deux
tours.
Les supérieurs de Bond se félicitèrent d'avoir engagé un architecte
si capable et à qui la chance semblait sourire. Quant à Bond il se
demanda certainement à plusieurs reprises s'il fallait dévoiler
l'existence de ses interlocuteurs. Le bon sens lui recommanda de rester
prudent : l'Eglise n'avait jamais vu le spiritisme d'un bon il. Les
dogmes chrétiens affirment bien que la vie existe après la mort, mais l'Église n'avait jamais cherché à en savoir plus long à ce sujet ou à
développer une éventuelle communication avec les morts. Comment, dans
ces conditions, Bond pouvait-il expliquer que ses interlocuteurs se
désignaient sous le nom de "Compagnie d'Avalon" ? Sagement, Bond décidé
de se taire. Du moins pour l'instant.
Les découvertes se succédèrent à un rythme accéléré et la
réputation de Bond grandit. Les moines se montraient d'une
extraordinaire exactitude. Ils mentionnèrent, par exemple, une porte
dans le mur est, qui donnait dans une rue. Cela semblait fort peu
probable car, en règle générale, il n'y a pas de porte dans le mur est
des églises. Or, on en trouva bien une !
Ils déclarèrent aussi que la chapelle faisait 28 m de long (en fait
30 m, si l'on ajoute l'épaisseur du mur et d'une colonne). Cela
semblait énorme. Les esprits avaient aussi précisé que l'on trouverait
des restes de vitraux de couleur azur, alors que la plupart des vitraux
de l'époque étaient blanc et or. Pourtant, on retrouva effectivement
des fragments de vitrail bleu dans la chapelle Edgar. Un esprit, qui
semblait être celui de l'abbé Bere, déclara que le toit était or et
pourpre ; les fouilles mirent au jour des moulures qui portaient encore
des traces de peinture or et pourpre.
En 1918, dix ans après le début des fouilles, Bond décida de faire
connaître au public les entretiens secrets qui expliquaient en grande
partie se réussite. Il pensa qu'après tant de succès il n'avait rien à
craindre. Malheureusement, il se trompait...
Que révèle la "Compagnie d'Avalon" pour que Bond décide de livrer son secret ?